mardi 27 septembre 2016

Marion, 13 ans pour toujours Plaidoyer pour le droit à la différence

http://leblogdazenor.blogspot.fr/2013/11/marion-une-adolescente-victime-de-la.html

  Ce téléfilm passe ce soir à la télévision. J'avais été émue par l'histoire de cette toute jeune fille décédée à la suite de harcèlement. Le rejet encore et toujours, le rejet de ce qui est différent. Je le vis depuis le collège et je ne parviens pas à rattraper le retard, l'adulte que je suis en souffre par une certaine inaptitude relationnelle, il y a des codes que j'ignore, des choses que je ne comprends pas (en quoi la chasse aux pokemon, c'est cool à 30 ou 40 ans passés? En quoi est-il intéressant de raconter sa vie à ses collègues autour d'un café en dosette "peu satisfaisant sur le plan gustatif"? ).

  J'avais trouvé un emploi mais j'ai décidé d'arrêter. Sur le papier, il était idéal: autonomie, diversité, temps plein. Mais je me heurte à l'incompréhension de mes collègues qui ont un gros gros souci avec les procédures dont on ne peut pas dévier d'un pouce. Sauf que leurs procédures ne sont pas logiques du tout (pour moi), j'ai tenté de m'y plier mais naturellement/ inconsciemment/ ou je ne sais quoi, je vais plus vite, je fais des raccourcis, je travaille des deux mains ou vite ou j'enchaîne les tâches (par exemple,j' imprime mes documents pendant que je classe mes documents, je gagne du temps et j'embraye directement ensuite). Mais je ne peux pas faire autrement, les temps morts sont inconcevables pour moi. Déjà, je m'ennuie et puis être payée à ne rien faire me pose une question morale. Quand je vois mon collègue qui passe beaucoup de temps sur internet ou son historique de navigation qui montre beaucoup de sites non professionnels (on change parfois d'ordinateur selon la place), je me sens bizarre à toujours travailler sans temps morts. Je n'aime pas trop les pauses, les conversations ne m'intéressent pas, toujours la même rengaine, je préfèrerais prendre mon thé ou mon café tout en travaillant à la limite. J'ai demandé un peu de latitude sur la manière de faire sans pouvoir l'obtenir.

  Je ne sais pas trop d'où ça vient mais je crois que cela vient de mon cerveau à la con. Je vais "trop vite" donc je travaille "trop vite" (comment on peut travailler trop vite et bien? Normalement, un patron devrait apprécier, non?) alors que mon travail est bon. Depuis une semaine, je cogite, j'analyse et je compare avec mes emplois précédents. Déjà, la formation a été faite à la va-vite et surtout, je fais les choses un peu différemment. Cela me demande beaucoup d'effort de faire les choses de manière pas logique du tout pour moi. En fait, le souci réel, c'est que mes collègues comparaient sans cesse mon travail et le leur (pour le même produit fini!!!). Je saisis plus vite, je décide quoi faire de mon dossier à vitesse normale (je pense) mais je fais mon classement plus vite et j'enchaîne directement sur le dossier suivant sans faire des recherches sur internet ou passer des appels personnels parce que le chef n'est pas là! Et j'arrive à l'heure le matin... Sauf que souvent, j'ai des collègues qui regardent ce que je fais! Je ne suis pas toujours seule dans mon bureau et elles viennent regarder où j'en suis pour comparer.J'ai été formée à la va-vite et forcément, cela se paie maintenant!

  J'ai été harcelée durant deux ans au collège, deux ans seule, deux ans à ne pas évoluer comme les autres. C'est là que tout a commencé, que j'ai eu trop de temps seule pour cogiter, me demander qui j'étais et quelle femme je voulais devenir, commencer à tracer ma route. Route qui s'est peu à peu écartée du "droit chemin". Je paierai toute ma vie pour ces années de harcèlement ou d'ignorance. Solitude, incompréhension, décalage, je paie tous les jours des conséquences de ces années. Les causes sont multiples évidemment mais ce harcèlement a une grosse part de responsabilité dans cet état de fait. J'ai tracé mon chemin seule, je n'ai pas intégré certains codes sociaux ou me suis fondu dans la masse. Je n'ai pas pu, cela aurait été me renier.

  Mais en fait, j'ai l'impression qu'être différent est mal vu. Je ne sais pas, on doit craindre une remise en cause de l'ordre établi, je ne sais pas où est le souci en fait. Personnellement, face à cette situation, je dirais "ah ouais, tu fais comme ça, toi?" en haussant les épaules et en comparant avec ma méthode pour piocher les bonnes idées. Il est là mon souci, je crois: je ne comprends pas en quoi être différent pose souci, c'est une richesse, une opportunité d'évoluer, se remettre en cause et s'améliorer. Et puis, si le résultat est identique, au bout du compte, quel est donc le problème?

  Face au rejet vient un moment où l'on se trouve à la croisée des chemins: être soi-même et risquer le rejet ou se fondre dans le moule et se renier pour des relations factices car basées sur le mensonge. J'ai tenté les deux et au final, je suis mieux en étant moi-même bon an, mal an. Ce coup de gueule couve depuis des mois mais ce soir, j'explose en pensant à cette petite qui a tant souffert. Il faut du courage pour rester soi-même face à l'adversité, au rejet et à l'incompréhension, c'est un choix courageux, je trouve dans une société relativement formatée. Parfois, j'en viens à me dire que le rejet est aussi une reconnaissance de ce courage, courage de rester soi-même. Mais la solitude est lourde à porter, le rejet à supporter, je me sens souvent ces temps-ci comme une extra-terrestre en visite sur la Terre. 
Je suis à l'envers de la Terre, jamais à ma place, trop gamine ou trop vieille selon les moments, trop rapide, rarement trop lente, jamais dans le moule, au juste milieu; motivée face à des gens qui se disent eux-mêmes démotivés. 


  Je sais que ce texte est confus, je l'écris avec mes tripes, je voudrais juste un peu plus de tolérance, de souplesse, le droit à la différence en tant que richesse et non comme un trouble-fête, un fait dérangeant. Je comprends que cela pose question mais c'est aussi, je crois une question d'éducation face à la différence. J'ai eu un trisomique dans une de mes classes en collège-lycée, j'étais la seule à lui parler malgré des centres d'intérêts différents, on a pu communiquer et y prendre plaisir réciproquement (je crois, du moins). Vouloir juste être soi-même avec ses forces et ses faiblesses, ses qualités et ses défauts, ses goûts et ses dégoûts, ses rêves, en quoi est-ce mal? Mais à force, de rejet en rejet, d'incompréhension en incompréhension, de remise en cause violente en reniement du droit à la différence, l'estime de soi s'effrite, la confiance en soi cède le pas à la remise en cause de ce que l'on est. Mais pour moi, il y a eu une lueur d'espoir au bout du tunnel: j'ai fini par être en accord avec moi-même, par me montrer honnête: je suis ce que je suis, j'ai fait beaucoup d'efforts pour me couler dans le moule, un moule trop étroit pour moi, un cercueil de plomb et tant pis pour les autres, ce qu'ils pensent avec leur pensée étriquée, leur vision rétrécie par des œillères. Tant pis pour le moule!

  Ce qui me dégoûte, c'est que les harceleurs ont grandi, oublié aussi. Peut-être qu'ils ne se sentent pas concernés. Mais voilà, moi, j'en souffrirai sans doute toute ma vie tant les conséquences sont importantes, les apprentissages manqués ne se rattraperont jamais, ni les blessures à l'estime de soi, la solitude dont je souffre depuis ces années (comme par hasard), les codes sociaux pas intégrés, les expériences jamais faites et qui ne le seront jamais (oui, vers 18-19 ans, j'aurais aimé partir en camping avec des copines mais je n'avais qu'une seule et unique amie). Le corps enseignant est coupable, ils ont vu, ils savaient et n'ont rien dit, rien fait, pas de sanctions ou de sermons. C'était à moi d'aller voir les autres pour mieux me faire jeter! Je ne suis pas masochiste à ce point... Ils savaient, ils ne pouvaient pas ne pas me voir seule sur mon banc à la récréation, en train de regarder ma montre; la seule chose qu'ils ont fait fut de parfois venir me parler durant les récréations.
  
  Et Marion, comme tant d'autres n'aura pas "toute sa vie" pour tenter de panser leurs blessures. Avoir le courage d'être soi-même coûte cher, très cher, trop cher. Et ce n'est pas juste...

  Et puis, pourquoi moi? Pourquoi elle? J'espère que ceux qui regarderont ce film réfléchiront à tout ceci. Et aussi que l'intolérance, c'est partout: à l'école, au travail, dans le bus; mais que ça fait mal à des êtres humains, dans leur cœur, leur chair, leur âme de manière indélébile.
 

vendredi 16 septembre 2016

Cherchez l'intrus...

  J'avais trouvé le boulot rêvé: petite équipe, autonomie mais en même temps travail en équipe à temps complet. 

  A peine arrivée, on m'a dit qu'on n'aura pas le temps de me former. Déjà, ça commence bien! Le chef a mis les points sur les i, il faudra bien. Mais seulement au bout de quelques semaines, le temps que la période difficile soit passée..

  En plus, selon la personne qui me corrige la méthode n'est pas la même (pour le même résultat final, donc clairement, on s'en fiche!! Mais moi, ça m'embrouille...). Donc je colle à la procédure écrite. Mais non, je ne dois pas faire comme ça et m'adapter à chaque personne! Là, j'avoue que je commence à fulminer parce que je ne vois pas ce que ça peut faire ou comment faire.

  Et puis, je vais trop vite sur certaines tâches. Comment aller plus lentement quand j'ai le cerveau qui pense à autre chose par ennui...? J'ai fini par comprendre que je ne vais pas trop vite, je vais plus vite que mes collègues là depuis 10 ou 15 ans, nuance. J'ai compté, je traite presque autant de dossiers qu'eux.

  Le truc, c'est que je dois décider au cas par cas pour encoder et saisir des dossiers d'urbanisme selon l'environnement direct. Puis prendre une décision en fonction de plusieurs facteurs. Décision subjective! Donc selon le ou la collègue qui corrige, ce sera bon ou pas. Même si des fois, j'ai tout faux mais j'ai commencé au début de l'été, donc zut! Ils voudraient que je fasse tout bien et sans erreur alors que plusieurs de mes collègues m'ont dit avoir mis des mois voire plus pour y arriver! 

  L'ambiance devient tendue depuis la rentrée, car clairement, ça embête mes collègues de me former. Ils ont fait un effort durant l'été car j'aurais dû n'être qu'un boulot d'été qui pouvait être prolongé. Ils ne réfléchissent pas au fait que si je pars, ils devront recommencer à zéro avec un autre personne. Donc ils n'arrêtent pas de me dire que "tu sais, on n'a pas le temps pour ça" et combien ils regrettent le collègue qui est parti. Le chef vient de temps en temps leur rappeler que je suis en formation mais il n'est pas là la majorité du temps et soyons honnête, il n'a pas d'autorité sur son équipe qui fait ce qu'elle veut. 

  Le côté zèbre n'aide pas non plus, j'admets. Je prends mes décisions "trop vite" parce que je vais vite. Mais tu as vu ça? Ben oui, j'ai fait un tour d'horizon rapide donc je tourne ma feuille un peu dans tous les sens (= recrise de mes collègues "mais arrête de tourner ta feuille dans tous les sens!!" auquel j'ai envie de répondre "qu'est-ce que ça peut bien te foutre?") ; donc je louvoie, je me mets un peu en hauteur et je me tords le cou pour avoir ma vue globale et piocher les informations intéressantes. J'ai l'impression qu'ils font les choses par couche: d'abord tel truc, puis tel autre. Alors que je pioche un peu tout en même temps. J'essaie de m'adapter mais c'est dur. 

  Mes compétences ne passent pas: je parle l'anglais correctement donc on me passe les conversations en anglais (alors que ça emm... mes collègues!! Ils râlent que c'est encore l'amerloque!). Ils devraient être contents au contraire, surtout vu la façon dont ils me "balancent" la conversation, en mode "démerde-toi!". J'ai une vitesse de frappe bien supérieure à la leur, donc je vais plus vite sur mes dossiers, déjà de base à cause de ça. "mais tu saisis trop vite, tu vas faire des erreurs!". J'ai essayé de saisir et penser plus lentement en vrai mais je n'y arrive pas du tout, c'est pire, ça m'embrouille! Faire des pauses entre les dossiers? Ca aurait pu être une solution mais je m'ennuie ferme, ma tête commence à vagabonder bien loin et ça m'oblige à revenir à la réalité après cette pause onirique. Bref, je crois qu'ils craignent que j'aille plus vite qu'eux une fois parfaitement autonome. Mais qui va s'y attarder sérieusement? Je ne pense pas que le chef de service fasse des statistiques.

  Je me sens différente, à part, isolée parfois. Incomprise souvent alors que je fais le même boulot que les autres un peu différemment mais si personne n'est penché sur mon ordinateur, il n'y a pas de raison que ça se voit. Hormis si je fais plus de dossiers que mes collègues et le souci est là, en fait: je traite presque autant de dossiers qu'eux alors même que j'ai des tâches annexes à effectuer et que je me tape presque tout le classement et le téléphone. En plus, ils n'arrêtent pas d'inventer des problèmes: il manque un dossier dans telle boite donc c'est ma faute vu que je fais le classement et que mes dossiers sont souvent en attente de validation (normal, je suis en formation). Je dois laisser tomber mon travail pour rassurer ma collègue, "mais non, il est là!". Ca arrive une fois par heure environ, sur une journée, ça fait pas mal de coupures, je dois me remettre à mon dossier, dans mes plans, me remettre en mode vision globale en 3D pour imaginer la situation. Ils ont perdu des dossiers il y a quelques mois, avant mon arrivée. Ils ont fini par les retrouver mais ça les a traumatisés donc ils sont devenus un peu paranoïaques avec ça. Mais tout me mettre sur le dos et me demander toujours à Moi, ce que j'ai fait de tel dossier que je n'ai pas traité et qui traine souvent sur le bureau d'un collègue, ça va deux minutes! Ca aussi, entre autres, c'est source d'erreur. 

  Je me sens comme un intrus en milieu hostile, je n'ai pas droit à la moindre erreur mais qui apprend sans erreur? En plus, cela embête mes collègues de me former mais s'ils doivent reformer quelqu'un de zéro, ça n'arrangera pas les choses. Parce que je commence à en avoir marre de l'ambiance lourde alors que ce boulot sans être transcendant pourrait me convenir à terme, une fois autonome.